Formes du texte, usages de l’image dans les livres japonais

La prédominance des ouvrages illustrés dans la production imprimée de l’époque d’Edo est un fait bien connu. Ce sont justement ces images qui ont pu attirer l’œil des rares observateurs occidentaux présents dans l’archipel à cette période, et les ouvrages illustrés à visée didactique (encyclopédies, cartes etc.), et/ou traitant de sujets « techniques », occupent une place importante au sein des premières collections de livres japonais ramenées en Europe.
Cette présence de l’image aux côtés d’un texte témoigne de la coexistence dans l’espace du livre de différents modes de transmission de l’information. De nombreuses questions peuvent être posées : Le texte se suffit-il à lui-même ? Quel est le rôle dévolu à l’image dans l’économie de la page, de la double page, voire du livre dans son ensemble ? Comment le texte et l’image renvoient-ils l’un à l’autre ? Les images obéissent-elles à des codes graphiques spécifiques ?
Ce programme se propose de donner un cadre à plusieurs groupes de travail qui interrogeraient ainsi le statut de l’image dans le livre selon des angles variés. L’ « image » analysée pourra être, selon les cas, une « illustration » — une notion elle-même à questionner — ou des schémas et diagrammes accompagnant le texte. En prenant en compte toutes les dimensions de « l’écosystème » livre, il s’agira également de s’interroger sur la structure générale des ouvrages ou encore sur la manière dont les dispositifs, textuels ou visuels, participent à la transmission d’un savoir.

Axe 1 : images et diagrammes (e, zu 絵・図) dans les livres didactiques
Ce sous-axe rassemble des projets ou des ateliers visant à interroger la place des images/illustrations et figures ou diagrammes dans les livres japonais, en limitant l’enquête aux ouvrages « encyclopédiques » (généralistes ou thématiques) ayant une visée didactique, destinés à des « amateurs » appartenant aux nouvelles classes aisées des villes et des campagnes. Différents domaines seront envisagés, depuis l’art du thé (chafu, chasho) jusqu’à l’architecture/charpenterie en passant par les traités d’histoire naturelle (honzō, bussan) ou médicaux. On s’appuiera notamment, mais pas exclusivement, sur les ouvrages du fonds Castillon conservé à la bibliothèque de l’Institut des Hautes Études Japonaises du Collège de France, dont la numérisation est en cours.

Axe 2 : Lexique et procédures dans les textes techniques
Ce sous-axe servira de support à un séminaire mensuel durant lequel on pourra étudier de manière approfondie plusieurs monographies relevant de différentes disciplines pratiques (médecine/pharmacopée, divination, mathématiques, génie militaire, agriculture), artisanales (architecture, peinture, cuisine), ou culturelles (art du thé, nô etc.), produites entre le 16^e et le 19^e siècle. On s’intéressera tout particulièrement à l’organisation matérielle des ouvrages (préfaces, index, tables, taille et format) ainsi qu’au vocabulaire spécifique utilisé dans les domaines considérés, ou encore à la façon dont les procédures sont décrites.

Axe 3 : Histoires de bulles
La bulle (fukidashi) est un élément graphique auquel on ne prête guère attention. Définie par le Trésor de la langue française comme la « courbe entourant les paroles prononcées par les personnages de bandes dessinées », elle aurait simplement pour fonction de déterminer visuellement un espace accueillant des éléments textuels. Pourtant, dans de nombreux corpus de l’époque d’Edo (livres de fiction à l’intention des adultes ou des enfants, estampes, peintures), il arrive souvent que la bulle contienne des images, le texte étant, lui, réparti dans l’ensemble de la page mais à l’extérieur de la bulle.
Ce sous-axe entend se saisir résolument de la bulle pour la constituer en objet de savoir, envisagé à la fois dans ses caractéristiques propres et dans son écosystème visuel et plus largement culturel. Il se propose d’en analyser les formes et les fonctions dans des corpus de nature et d’époques variées pour, in fine, tenter d’en identifier une économie, voire d’en esquisser une théorie générale.