Conférences du directeur d’études invité de l’EPHE, Roel Sterckx, University of Cambridge
A propos de l’« agro-sophie » en Chine ancienne : sources et questions
Mercredi 13 novembre 2024, 10h-12h, Maison de l’Asie, Grand Salon, 1er étage, 22 avenue du Président Wilson, Métro Iéna ou Trocadéro.
Les champs tout comme les paysans qui les ont labourés dans la Chine ancienne ont laissé une marque indélébile dans le regard que l’on a porté historiquement et que l’on porte aujourd’hui encore sur la civilisation chinoise. Au plan idéologique, l’agriculture se voyait louée comme la profession à la « racine » des autres activités humaines, par contraste avec les professions du commerce et de l’artisanat, jugées inférieures et qualifiées de « branches » secondaires. La cour a joué un rôle prépondérant dans la circulation du savoir agronomique. L’agrarisme a été présenté à la fois comme un bienfait et une malédiction de la Chine. D’un côté, on lui a reproché d’avoir laissé la société stagner à sa suite du fait que l’État se trouvait sous une dépendance continuelle d’une population rivée à la terre et rétive au changement. De l’autre côté, les paysans apparaissent comme ayant été le catalyseur des renversements politiques ou comme des agents du changement, des révoltes et des rébellions. Un paradigme d’ordre agraire commande la grammaire sociale, politique et philosophique de la Chine ancienne. Dans cette conférence, nous passerons en revue les sources principales pour cette recherche et examinerons les points de jonction entre l’agronomie et la pensée politique à la période des Royaumes Combattants, des Qin et des Han, soit entre le Ve siècle avant notre ère et le IIIe siècle de notre ère.
La figure du paysan dans la pensée chinoise
Vendredi 15 novembre 2024, 14h-16h, Campus Condorcet, Bâtiment de recherche Nord, Salle 0.004 (rez-de-chaussée), Métro Front Populaire, RER La Plaine Stade de France.
En Chine ancienne, la vie agraire a servi de vecteur aux penseurs pour interpréter la vie sociale et la politique. Les textes philosophiques, littéraires et rituels contiennent un répertoire figuratif sous la forme d’analogies et de métaphores agronomiques. Dans cette conférence, nous examinerons comment l’agriculture est présente dans la langue du discours philosophique et politique chinois. Plutôt que d’aborder le langage figuratif comme un moyen purement littéraire ou rhétorique visant à développer un argument d’ordre moral ou philosophique, nous soutenons qu’il faut envisager l’hypothèse selon laquelle les métaphores et analogies agronomiques appartenaient au registre des notions usuellement employées pour décrire la nature et la gestion des ressources naturelles en Chine ancienne. La figure de l’agriculteur et la description du labeur agricole fonctionnent souvent comme un dispositif didactique servant à véhiculer des idées sociales et politiques, et même à transmettre des connaissances techniques. Nous présenterons une série d’exemples qui invitent à une pluralité d’interprétations possibles.
Rituels agraires et religion paysanne dans la Chine pré-bouddhique
Jeudi 21 novembre 2024, 16h-18h, Maison des Sciences de l’Homme, EPHE, salle 3, 54 Boulevard Raspail, 75006 Paris, Métro Sèvres-Babylone.
Cette conférence explorera la structure des mythes, les récits des origines, les rituels et les cultes religieux qui ont consacré le rôle fondateur et la place centrale de l’agriculture dans la société ancienne. Notre connaissance de cet univers religieux et de ses pratiques a été considérablement enrichie par la découverte des manuscrits exhumés de nombreux sites archéologiques. Ceux-ci révèlent des calendriers, des prières, des incantations ainsi que des ordonnances pratiques jusqu’ici non attestées dans les sources traditionnelles. Nous commencerons par une réflexion sur les deux figures du Laboureur Divin (Shennong) et du Seigneur Millet (Hou Ji). Après quoi, nous tournerons notre attention en direction des autres esprits et pouvoirs maléfiques qui ont marqué la vie et les rituels agraires de cette époque. Ces esprits faisaient l’objet de rites apotropaïques ou propitiatoires, les prières et offrandes ayant soit pour but de protéger les récoltes, soit d’assurer la santé et la fortune des paysans.
Du cochon aux latrines : réflexions sur un processus de réemploi
Lundi 25 novembre 2024, 14h-16h, Maison des Sciences de l’Homme, EPHE, salle 17, 54 Boulevard Raspail, Métro Sèvres-Babylone.
Les textes chinois de la période des Royaumes Combattants, des Qin et des Han abondent en informations sur les bonnes façons de se nourrir. En revanche, ces sources sont moins disertes sur les déjections produites par la digestion des humains et celle des animaux. Dans cette conférence, nous examinerons les attitudes à l’égard des excrétions à partir des sources textuelles et archéologiques de la Chine pré-bouddhique. Jugées nocives tout autant qu’utiles, les excrétions devaient être évacuées, mais aussi réemployées. Ce qui était accumulé dans l’espace domestique fermé des latrines et des porcheries finissait par devenir des engrais recherchés. Les latrines se présentaient comme une zone intermédiaire située à l’intersection des convenances sociales et de la menace d’une souillure physique et morale. En rassemblant un large éventail de sources textuelles et matérielles – des latrines aux cochons, en passant par le Laozi et ses commentaires – nous retracerons le processus de l’excrétion tout au long de son cycle, de l’évacuation première à la régénération ultime.
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