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Les inégalités croissantes entre jeunes salariés japonais sur le marché du travail

03 février 2023 - Conférence

Le marché du travail des jeunes Japonais est impacté par un certain nombre de facteurs externes de nature démographique, macro, meso et micro-économiques. Le vieillissement de la population en général et surtout la baisse de la population active ont créé un marché ‘vendeur’ qui est favorable aux segments de la population jeune dont les compétences sont en demande sur le marché. Toutefois, cette tendance a accentué la dualité du marché avec une inégalité croissante des revenus des jeunes du même groupe d’âge. Cette inégalité résulte du différentiel des opportunités d’emploi et conditions d’embauche et de carrière. D’un côté beaucoup de jeunes éprouvent des difficultés pour trouver un travail et s’ils en trouvent un, les conditions de travail sont souvent médiocres à cause de la faiblesse structurelle de la croissance économique et de la stagnation générale des conditions de travail pour la majorité des salariés de tous âges. De l’autre, une minorité de jeunes Japonais en demande sur le marché du travail peuvent prétendre à des salaires de départ élevés et à des possibilités de carrière plus rapide qu’auparavant si leur performance individuelle est élevée. Cela est d’autant plus visible dans les entreprises de plus en plus nombreuses dont le modèle de recrutement et de carrière s’éloigne rapidement de celui qui était basé sur l’ancienneté et qui avait dominé les carrières des salariés japonais, surtout dans les premiers stades de leur carrière.

Les pouvoirs publics sont conscients de la nécessité de l’émergence d’un marché du travail des jeunes qui deviendrait structurellement dual, avec une présence très importante de jeunes ne pouvant pas obtenir de CDI ni d’évolution de carrière satisfaisante même dans le cas d’un CDI. Cette évolution menacerait la stabilité du marché du travail et celle de l’économie dans son ensemble, mais aussi celle de la société japonaise. Ils mettent sur pied des politiques d’encouragement de l’emploi des jeunesen aidant au développement de l’enseignement professionnel et en exerçant une pression sur les entreprises pour recruter des CDI et offrir des salaires de base plus élevés. La crainte des pouvoirs publics de l’émergence de segments importants de la population jeune ne bénéficiant pas d’une formation professionnelle, éprouvant subséquemment des difficultés croissantes pour trouver un emploi décent et pérenne et qui, ne contribuant pas (ou insuffisamment) à son financement, risquent de mettre en péril l’équilibre du système de pension et de constituer à long terme une population incapable de maintenir sans aide publique un niveau de vie décent après la retraite.De leur côté, les comportements, attitudes et opinions des jeunes Japonais quant à leur vie professionnelle sont très contrastés.

Malgré la volonté exprimée dans beaucoup d’étude d’une plus grande mobilité de carrière, l’importance renouvelée des jeunes (nettement plus marquée chez les jeunes hommes, toutefois) d’avoir un emploi stable à long terme apparait également. Parallèlement, celle plus grande donnée au développement de la carrière par rapport à la loyauté vis-à-vis d’une entreprise peut être liée à la volonté de devenir un ‘professionnel’ ayant des connaissances suffisamment spécialisées facilitant la mobilité de carrière.

D’un point de vue sociétal, les jeunes hommes manifestent une attitude plus libérale concernant le rôle des femmes dans l’entrepriseet dans la société. Cela se transcrit, entre autres, dans l’acceptation d’être dirigé par un cadre féminin et l’exigence de conditions de travail permettant un équilibre vie privée/vie professionnelle qui permet aux jeunes pères de famille de remplir leurs obligations familiales. Toutefois, les jeunes hommes ont une attitude plus contrastée quant à l’entrée de plus en plus importante des jeunes femmes dans les carrières managériales. Dans des entreprises ayant beaucoup moins de niveaux hiérarchiques, la concurrence croissante des jeunes femmes est susceptible de limiter encore plus leur possibilité de promotion.

D’un point de vue général, les jeunes Japonais JF demeurent très sceptiques au sujet des réformes du marché du travail proclamées par les pouvoirs publics et les entreprises : les jeunes hommes ne pensent pas que les conditions de travail aient significativement changé en ce qui concerne les heures de travail et les congés. Beaucoup de jeunes hommes considèrent que les conditions de travail se sont détériorées ces 10 dernières années. Les jeunes femmes ne pensent pas que la discrimination dont elles considèrent être victimes a diminué. Les possibilités de carrière demeurent limitées, ainsi que celles de formation. Les modes de carrières avec des heures de travail très longues et la nécessité de transferts géographiques restent la norme dans la majorité des entreprises. L’opinion est largement partagée par les jeunes salariés qu’ils devront travailler jusqu’à 70 ans – et peut être au-delà – pour bénéficier d’une pension complète et qu’il y a de fortes chances qu’ils ne reçoivent pas de pensions du tout. Un pessimisme général des jeunes Japonais au sujet de leur avenir professionnel est observé mais aussi une réticence à étudier à l’étranger et à travailler dans une entreprise étrangère, attitude qui va à l’encontre de la politique d’internationalisation des universités prônée par les pouvoirs publics et dénote une sorte de replis sur soi des jeunes Japonais.

Philippe Debroux

Lakeland University

Date et horaire :

Vendredi 3 février 2023, 10h-12h (en ligne)

La conférence se tiendra en ligne.

Pour y participer, merci de contacter les organisateurs.

Contact :
César Castellvi, Julien Martine

À propos du conférencier

Biographie :

  •  Bachelor en science économique (Université Libre de Bruxelles)
  •  MBA (INSEAD)
  •  Docteur en science économique appliquée (Université Libre de Bruxelles – Ecole de Commerce Solvay)

Activités d’enseignement :

  • Professeur à l’université Soka (Eméritat depuis 2018)
  • Professeur associé de management international, gestion de production et gestion desressources humaines à l’université Soka (Faculté d’économie et de gestion)
  • Professeur associé d’économie internationale et de management international àl’université Lakeland (Japan)
  • Professeur invité à l’université de Rennes (Centre Franco-japonais de Management),chargé d’un cours sur le management japonais

Activités (récentes) de recherche :

Recherche sur l’emploi des seniors au Japon

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