Colloque international et interdisciplinaire organisé par l’EHESS en partenariat avec les dix autres établissements membres du Campus Condorcet
8–9–10 novembre 2022
Auditorium 150, Centre de colloques, Campus Condorcet, Aubervilliers
De manière exceptionnelle, le Campus Condorcet réunit des chercheuses et chercheurs de sciences humaines et sociales travaillant sur l’ensemble du monde, quoique selon des traditions épistémologiques diverses. Les études aréales et globales comptent ainsi parmi les domaines de recherche les plus susceptibles de renforcer des collaborations anciennes ou d’engendrer des coopérations nouvelles entre toutes les institutions basées sur le Campus.
Par études aréales, nous n’entendons pas seulement les recherches sur les mondes extra–européens, puisque nous considérons l’Europe comme une « aire culturelle » ou du moins comme un espace historiquement construit. Nous estimons également que la question des manières de travailler sur le monde, à la fois dans son intégralité et dans sa diversité, ne concerne pas seulement les collègues qui se reconnaissent derrière le vocable d’études aréales, mais aussi toutes celles et tous ceux qui préfèrent s’identifier uniquement à travers une ou plusieurs disciplines. Nos recherches sont, en effet, toujours doublement situées : situées dans les lieux où elles sont produites, les arènes savantes où elles circulent et les espaces socio–politiques où elles font sens ; mais situées aussi bien par les objets empiriques qu’elles se donnent et les enquêtes qu’elles conduisent, quand bien même elles ne relèvent pas d’une approche dite d’études aréales (de contextualisation dense).
Venant remplacer ou se combiner avec d’autres paradigmes présidant à l’englobement scientifique du monde (les histoires universelles, l’orientalisme ou l’ethnologie coloniale), les études aréales se sont développées après la Seconde guerre mondiale, selon des chronologies différentes, en Amérique du Nord, en Europe et dans le reste du monde. Au cours des trente dernières années, le champ a encore connu des transformations majeures. L’essor des études globales dans le sillage tant de la globalisation des marchés économiques et financiers que de la critique postcoloniale, l’internationalisation de la recherche qui a été facilitée par l’explosion du trafic aérien et d’internet, ainsi que l’émergence de nouveaux lieux importants de productions de savoirs en Asie, Amérique latine et Afrique constituent autant de phénomènes qui questionnent les fondements des études aréales. Mais les défis auxquels le champ est confronté demeurent mouvants. La pandémie comme les conflits et les guerres en Éthiopie, au Mali, en Syrie, en Ukraine ou encore au Yémen – liste qui n’est malheureusement pas exhaustive – ont posé avec une acuité nouvelle la question de l’accès au terrain et aux archives et de la fragilité de certains domaines aréaux de spécialisation. C’est pourquoi il paraît nécessaire et urgent de reconsidérer les enjeux et les principes définitionnels des études aréales. Plutôt que de rester enfermés dans nos propres traditions épistémologiques, nous nous proposons de réfléchir aux manières dont, en quelque endroit du monde et en fonction
d’héritages épistémologiques différents selon leurs lieux de constitution et de développement, les diverses disciplines des sciences humaines et sociales étudient, séparément et ensemble, le monde dans son entier et dans sa diversité, et non pas les seuls mondes extra–européens. Outre la position des chercheuses et chercheurs par rapport à leur objet–terrain de recherche et les possibilités de circulation entre milieux universitaires, il importe de prendre également en compte l’histoire différenciée des disciplines dans leurs rapports au monde.
En explorant tant l’appréhension diverse du monde par les sciences humaines et sociales que les pratiques différenciées des sciences humaines et sociales selon les milieux universitaires à travers le monde, ce colloque veut donc participer aux débats en cours sur les paramètres et les paradigmes des études aréales comme des disciplines et œuvrer ainsi au développement d’une connaissance plurielle et multi–située du monde, tout en contribuant à la construction scientifique du Campus Condorcet par le bas.
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