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Appel à communications pour la journée d’étude autour du terme « zhuan/chuan 傳 »

May 25 2025 - June 25 2025 - Call for papers

Dans le cadre du programme de recherche « Histoires et historiens de la Chine classique » du CRCAO, cette journée d’étude se propose d’examiner l’évolution historique, la plasticité et la densité sémantique du terme zhuan/chuan 傳, à travers ses diverses acceptions et usages entre la période des Zhou occidentaux et la fin du haut Moyen Âge chinois (VIe siècle de notre ère). Afin d’élargir notre compréhension de cette notion clé, nous ouvrons cette journée aux représentants des disciplines suivantes : histoire, philosophie, religion, littérature, linguistique, épigraphie, archéologie, etc.

Date : 13 et 14 novembre 2025

Lieu : ENS-PSL (45 Rue d’Ulm, 75005 Paris)

Argumentaire

Les occurrences du caractère zhuan/chuan 傳 abondent dans la littérature chinoise ancienne, aussi bien dans les titres d’ouvrages et de chapitres que dans le corps des textes eux-mêmes. De fait, le terme zhuan/chuan ressortit à une dimension fondamentale de la tradition chinoise et se caractérise par sa polyphonie et sa riche polysémie.

Employé comme verbe, le caractère se lit chuan, soit « transmettre, transférer ». Compris en tant que substantif, il se lit alors zhuan et connote l’idée de « transmission, tradition »[1]. Ce caractère renvoie donc à tout ce qui est susceptible de passer, d’un lieu ou d’un temps à un autre, d’une personne ou d’une génération à une autre, et ce sur un plan concret et matériel, mais également sur un plan abstrait voire spirituel. À travers ce caractère semble se dégager, au demeurant, l’idée de « cycle »[2]. Le Hanyu da zidian 漢語大字典 recense ainsi une vingtaine de sens pour zhuan/chuan 傳, parmi lesquels : « relais de poste »[3], « diligence, voiture et chevaux de poste »[4], « délivrer (un message, un ordre) »[5], « déplacer »[6], mais aussi « rumeur, légende »[7], « ordre de succession, continuité »[8], ou encore « transmettre (un enseignement) »[9], « transmettre à la postérité »[10], « abdiquer (le trône) »[11].

Depuis une très haute époque en Chine, la trace écrite représente un véhicule de transmission privilégié ; elle est ce qui permet de porter témoignage, devant autrui, devant les ancêtres ou les divinités. Suivant un processus d’extension sémantique, le caractère zhuan/chuan 傳 en vint à désigner toute sorte de texte destiné à perpétuer la mémoire d’une personne, d’un événement, d’un savoir, ou d’une pratique. Il adopta alors les sens suivants : « lettre de créance »[12], « annales »[13], « biographies » ou « traditions »[14], « commentaires »[15], ces derniers étant parfois divisés en « commentaires externes » (wai zhuan 外傳) et « commentaires internes » (nei zhuan 内傳)[16]. De manière plus générique, les textes qui faisaient autorité sans avoir le statut de « classique » (jing 經) étaient aussi qualifiés de zhuan [17]. La formule zhuan yue 傳曰 devint par ailleurs récurrente à partir du milieu des Han occidentaux, servant à introduire des citations tirées d’un vaste répertoire transmis distinct du corpus canonique en cours d’établissement[18].

Dans le cadre du programme de recherche « Histoires et historiens de la Chine classique » du CRCAO, cette journée d’étude se propose d’examiner l’évolution historique, la plasticité et la densité sémantique du terme zhuan/chuan 傳, à travers ses diverses acceptions et usages entre la période des Zhou occidentaux et la fin du haut Moyen Âge chinois (vie siècle de notre ère). Afin d’élargir notre compréhension de cette notion clé, nous ouvrons cette journée aux représentants des disciplines suivantes : histoire, philosophie, religion, littérature, linguistique, épigraphie, archéologie, etc.

Nous présentons ci-dessous les axes thématiques envisagés, ainsi que quelques questions qui pourraient être abordées à travers les différentes communications.

 

Axes thématiques

I. Chuan 傳 : les véhicules de transmission dans la Chine ancienne

1/ la matérialité de la transmission : Quels sont les vestiges matériels de la transmission des objets, des paroles et des idées dans la Chine ancienne (relais postaux, modes de transport, supports d’écriture, etc.) ? Quelle histoire ces matériaux nous transmettent-ils ?

2/ transmission orale et transmission écrite : Quels étaient les vecteurs de transmission culturelle dans la Chine ancienne ? Quelles parts prenaient l’oralité et l’écrit dans le processus de transmission ? Quelles traces d’oralité trouve-t-on dans les écrits transmis ? Ou encore, que sait-on des mécanismes de transmission des documents au sein de l’appareil administratif impérial ?

II. Zhuan 傳 : un vaste champ textuel

1/ les écrits dits zhuan : Quelles sont les caractéristiques des écrits qualifiés ainsi ? Quels types de paroles (ordres, discours, enseignements, etc.) étaient transmis par ces écrits ? Comment s’est développé le genre biographique, et que transmet-il ?

2/ les jing 經 et les zhuan 傳 : Quels sont les rapports entre écrits canoniques et traditions exégétiques ? Quel est le rôle de ces dernières, comment se sont-elles élaborées ?

III. Entre chuan 傳 et zhuan 傳 : entre transmission et tradition

1/ un caractère pour plusieurs sens : Qu’en est-il de l’étymologie du caractère zhuan/chuan 傳 ? Comment expliquer sa polysémie ? Quelles difficultés de traduction pose-t-il ?

2/ un mouvement de va-et-vient : Comment la transmission (chuan) favorise-t-elle la circulation des discours et des savoirs, aboutissant à l’établissement d’une tradition (zhuan) ? Comment, une fois établies, les traditions (zhuan) impulsent-elles en retour le processus de transmission (chuan) ?

Modalités de soumission

Les propositions (300 mots maximum) sont à envoyer, sous format PDF, accompagnées d’une brève bio-bibliographie (5 à 10 lignes) à l’adresse suivante : zhuanchuan2025@gmail.com.

Date limite de soumission : 25 mai 2025
Notification des résultats : 25 juin 2025

Nous accueillons les propositions qui, même sans être liées directement au terme zhuan/chuan 傳, enrichissent les réflexions autour des problématiques décrites ci-dessus.

 

Organisateurs : Laetitia Chhiv (Postdoctorante Fondation Chiang Ching-kuo, CRCAO), Zhongrui (Florent) Ying (Doctorant ENS-PSL)

Événement organisé avec le soutien du CRCAO, de l’ED 540 (ENS-PSL), et du GIS Asie.

[1] Duan Yucai 段玉裁, Shuowen jiezi zhu 說文解字注, Shanghai, Shanghai guji chubanshe, 1988, p. 377 ; Ren Jifang 任繼昉, Shiming huijiao 釋名匯校, Jinan, Qilu shushe, 2006, p. 340.

[2] Au sujet de l’origine et de l’évolution sémantique du caractère zhuan/chuan 傳 au cours de l’antiquité, voir Gu Shikao 顧史考 [Scott Cook], « Xian-Qin jingdian zhong de “chuan” zi de ziyi yuanliu ji “zhuan” lei wenti de tansuo 先秦經典中「傳」字的字義源流及「傳」類文體的探索, Rao Zongyi guoxueyuan yuankan 饒宗頤國學院院刊 4 (2017), p. 67-92.

[3] 發人修道, 繕理亭傳。 « On envoya des personnes pour réparer les routes et restaurer les relais de poste. » (Hou Hanshu 後漢書, « Guo Zhen liezhuan » 郭陳列傳)

[4] 晉侯以傳召伯宗。  « Le seigneur de Jin envoya une diligence pour convoquer Bo Zong. » (Zuo Zhuan 左傳, Cheng 5)

[5] 德之流行, 速於置郵而傳命。  « La propagation de la vertu est plus rapide que l’établissement de relais postaux servant à délivrer les ordres. » (Mengzi 孟子, « Gongsun Chou shang » 公孫丑上)

[6] 父母舅姑之衣衾簟席枕几不傳。 « [Les fils et leurs épouses] ne déplacent pas les vêtements, les couvertures, les tapis, les nattes et les tables basses de leurs parents. » (Liji 禮記, « Nei ze » 內則)

[7] 其所見焉,猶可欺也,而況於千世之傳也?« Alors que ce qu’on voit de ses propres yeux est susceptible de nous méprendre, qu’en est-il donc des légendes ayant traversé mille générations ? » (Xunzi 荀子, « Fei xiang » 非相)

[8] 始皇推終始五德之傳(…) « Le Premier Empereur établit l’ordre de succession entre les cinq vertus. » (Shiji 史記, « Qin shi huang benji » 秦始皇本紀)

[9] 君子之道, 孰先傳焉? « Dans la doctrine de l’honnête homme, que doit-on transmettre en premier lieu ? » (Lunyu 論語, « Zi Zhang » 子張)

[10] 此五君者所染當, 故霸諸侯, 功名傳於後世。 « Ces cinq princes avaient reçu de bonnes influences, c’est pourquoi ils imposèrent leur hégémonie aux seigneurs féodaux, leurs mérites et leur renommée se transmirent aux générations postérieures. » (Mozi 墨子, « Suo ran » 所染)

[11] 不傳於賢而傳於子。 « [Il] ne transmit pas [le trône] à un sage, mais le transmit à son fils. » (Mengzi 孟子, « Wan Zhang shang » 萬章上). Ce dernier sens est donné dans le Guxun huizuan 故訓匯纂, qui énumère plus de 150 nuances sémantiques associées au même caractère.

[12] 凡所達貨賄者, 則以節傳出之。« Pour tout ce qui relève des biens et cadeaux qui sont expédiés, ils sont acheminés en étant adjoints d’une lettre de créance. » (Zhou li 周禮, « Di guan situ » 地官司徒)

[13]「齊宣王問曰:『湯放桀,武王伐紂,有諸?』孟子對曰:『於傳有之。』」 « Le roi Xuan de Qi demanda : “Tang bannit Jie, le roi Wu attaqua Zhou : en a-t-on mention quelque part ?” Mengzi répondit : “Les annales en font mention.” » (Mengzi 孟子, « Liang Hui wang xia » 梁惠王下)

[14] Les sections zhuan « biographies, traditions » apparaissent pour la première fois dans le Shiji 史記. Sur l’importance du genre biographique dans l’historiographie chinoise, voir Damien Chaussende, « Les genres de l’histoire dans la Chine classique : des catalogues bibliographiques à Liu Zhiji », Dialogues d’histoire ancienne 48/1 (2022), p. 149-176. Voir aussi Chen Yuanxin, Writing History through the Biographical Genre in the Han Dynasty (202 BCE–220 CE), thèse de doctorat, Université de Princeton, 2020.

[15] On retrouve le terme dans des titres tels que Zuo zhuan 左傳, Gongyang zhuan 公羊傳.  Le lettré Zhao Yi 趙翼 (1727-1814) écrivait : 古書凡記事、立論及解經者,皆謂之傳。 « Parmi les écrits anciens, tous ceux qui enregistrent les événements, établissent des doctrines ou interprètent les classiques sont appelés “commentaires”. »

[16] Le Hanshi wai zhuan 韓詩外傳 est le seul exemple qui nous soit parvenu. Voir Yu Jiaxi 余嘉錫, Gushu tongli 古書通例, Shanghai, Shanghai guji chubanshe, 1985, p. 109-120.

[17] 以爲經莫大於《易》, 故作《太玄》; 傳莫大於《論語》,作《法言》。« Estimant qu’il n’était de classique (jing) plus grand que les Mutations, il (Yang Xiong) composa alors le Mystère Suprême ; [estimant] qu’il n’était de texte (zhuan) plus grand que les Entretiens, il composa les Maîtres mots. » (Hanshu 漢書, « Yang Xiong zhuan » 揚雄傳).

[18] Gu Yixin, « Transmitted Sayings and Their Transmissibility: Patterns and Meanings of Zhuan yue 傳曰 Quotations in Early Chinese Texts », T’oung Pao 109.3-4 (2023), p. 217-249.

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